Voyage en avion et équidignité

Le 5 novembre 2017, la chronique de Marc Cassivi, La Presse, s’intitulait »Les meilleurs sièges » .  Dans un vol nolisé Londres-Lisbonne, il décrit le comportement d’un enfant de 2-3 ans et de sa maman, jeune vingtaine, qui en avait plein les bras avec son bambin.  Alors que celui-ci jouait avec la tablette du siège devant lui, une vieille dame s’est levée, l’a fusillé du regard et, sans avertissement, a insulté vertement sa mère, une femme dans la jeune vingtaine, devant tout le monde.

Aujourd’hui, Marc Cassivi reprend cette histoire, « Le cliché de l’enfant-roi », car il a reçu des commentaires des lecteurs.  Marc Cassivi dit:

Je suis sans doute naïf, mais je ne m’attendais pas à ce qu’une majorité de lecteurs prennent le parti de cette vieille dame effrontée. C’est pourtant ce qui est arrivé. Le courrier a d’ailleurs été particulièrement abondant en sa faveur.

Une histoire très intéressante… Prendre l’avion, c’est un stress pour tous les passagers – pensons aux espaces exigus, aux consignes de sécurité à respecter, et tout le reste.  Bien sûr, tous les passagers ont le droit à leur quiétude, à leur « bulle ».  Évidemment, un bambin de 2-3 ans bouge et explore son environnement – c’est un enfant qui se comporte comme un enfant et qui ne comprend pas nécessairement la portée de ses gestes d’exploration car son cerveau n’est pas assez développé pour analyser, prévoir, anticiper.  En outre, la mère de ce bambin a un pouvoir limité sur celui-ci:  oui, elle peut l’emmener marcher dans l’allée en autant que ce soit le « bon » moment, pas le temps de l’atterrissage, du décollage, des perturbations, du service de repas/collations.

Je ne peux m’empêcher de penser que le bambin du vol Londres-Lisbonne, ça pourrait être ma petite-fille, Juliette… je l’imagine entre 2 sièges, dans un avion… ce serait sûrement toute une aventure…  Et pas besoin de prendre l’avion pour vivre une situation « intéressante »… Ce matin, j’ai reçu le vaccin anti-grippal.  J’étais entourée de personnes âgées qui marchaient lentement, qui sortaient lentement leurs papiers, qui s’exprimaient lentement, qui ne comprenaient pas du premier coup la question posée… Évidemment, moi, avec mes 20 ans de moins qu’eux, j’étais « une jeunesse », mon temps avec l’infirmière a été très court… 😊 En même temps, ces personnes âgées, ça aurait pu être ma mère, mon père, ma belle-mère… et demain, ce sera mon conjoint et moi qui serons des personnes âgées, ralenties par les années…

Jesper Juul, thérapeute familial danois a écrit « La vie en famille – renouveler les valeurs fondamentales du vivre-ensemble ».  Dans la vie familiale, cet auteur nous invite à nous appuyer sur 4 valeurs : l’équidignité, l’intégrité, l’authenticité et la responsabilité.  Jesper Juul dit que

(…) la notion d’équidignité fait référence au besoin fondamental de tout être humain d’être vu, entendu et pris au sérieux en tant qu’individu. (…)  (p. 25)

La question n’est donc pas de savoir si les adultes ont le pouvoir, mais bien de savoir comment ils en font l’usage et c’est sur ce point précis que l’équidignité est la valeur la plus constructive.  Se sentir considéré comme étant de même dignité est tout le contraire d’être rabaissé, dominé, catalogué, ridiculisé, ou de sentir qu’on nous donne une leçon, mais cela n’a rien à voir avec le fait d’être gentil ou raisonnable,  Nous pouvons tout à fait nous considérer l’un l’autre comme étant de même dignité tout en étant furieux ou malheureux. (p. 26)

Un des aspects les plus importants de l’équidignité – et cela concerne aussi les relations entre adultes et enfants – est qu’elle est le terreau de la réciprocité. (…)  Notamment que chaque membre du système, de par le fait qu’il fait partie d’une même communauté, influence les autres et subit en retour leurs influences.  Ce à quoi je fais référence est une forme bien plus conscientisée de réciprocité où les partenaires sont constamment enclins à apprendre les uns des autres et, en conséquence, à s’épanouir.  Les enfants peuvent dans une très large mesure nous apprendre au travers de leurs réactions, par exemple comment nous comporter de manière plus constructive envers chacun d’eux. (p. 39)

Cette notion d’équidignité apporte un tout autre éclairage à cette histoire en avion…  Je crois que le fils aîné de Marc Cassivi a compris ce principe d’équidignité :   à l’aller, le tout-petit s’est pris d’affection pour cet ado qui, mettant en pratique sa formation de gardien averti, l’a diverti du mieux qu’il pouvait.  Bravo!

Situation intéressante, hein…?  Vous, comme parent de ce bambin, qu’auriez-vous fait?  Qu’auriez-vous fait à la place de la dame qui ne voulait pas de coups de pied dans le dossier de son siège…?  J’attends vos réponses 😊

Le temps des Fêtes

Lundi 19 décembre… une autre année tire à sa fin.  C’est fou comme le temps passe… Juliette me le rappelle sans cesse :-).  Pour plusieurs familles, ce temps qu’on dit un temps de festivités et de réjouissances, peut être loin de tout cela…  Si on se met à la hauteur de nos tout-petits, on peut peut-être mieux les comprendre: nous, les adultes, on sait ce qui s’en vient, on se prépare à ce qu’on aime moins, on a la capacité d’aller se cacher pour éviter telle personne, de rester avec cette tante qu’on aime beaucoup.  Nos tout-petits dépendent de maman-papa et je dirais que plus ils sont petits, plus ils dépendent de maman-papa, plus ils ont besoin de re-trouver maman-papa quand ils se retrouvent face à du « pas/moins connu ».  Et non seulement c’est normal, c’est aussi un signe de bonne santé de l’enfant (savoir qui appeler en cas de détresse), des parents (leur sensibilité) et aussi du lien qui unit cet enfant et ses parents.  « Je rencontre telle personne, je ne la connais pas, M A M A N ».  Sa maman accourt, prend son tout-petit contre elle et après quelques câlins, retourne présenter son enfant à cet adulte.  Il est important de rappeler que le lien d’attachement entre un enfant et sa maman puis son papa se bâtit dans des moments de détresse comme celui-là – plus la réponse de maman-papa sera sans jugement, rapide, cohérente, chaleureuse, plus le sentiment de sécurité de ce tout-petit sera grand. Je crois qu’il revient aux parents de doser les invitations/réceptions/rencontres/sorties, d’imposer une sieste, et aussi, à l’occasion, de dire « non » au risque de passer pour un parent-poule et je ne sais quoi encore. Ce matin, j’ai lu des articles que je trouve intéressants et que j’aimerais partager avec vous…

  • « Prévenir les déceptions à Noël« , Marie Allard, La Presse+.  Benoît Hammarrenger, neuropsychologue et père de deux enfants de 6 et 9 ans, donne des trucs pour essayer d’éviter des crises 🙂  En somme, ça revient à « L’affectif avant le cognitif »… vous êtes vous déjà donné un coup de marteau sur un doigt…? Ça fait mal, vraiment très mal.  Si j’essaie, dans un premier temps, de vous raisonner, vous dire « Non, ça ne fait pas mal », il y a de bonnes chances que vous me disiez de décoller, de vous laisser tranquille… Votre cerveau pensant sera très peu réceptif à la raison.  Par contre, si j’écoute votre douleur, vos émotions, ensuite, vous serez plus réceptif à raisonner.  Même chose avec les tous les enfants, petits et grands 🙂

Ce qui fait du bien en vacances, c’est de ne pas être astreint à une routine rigide. Ne pas courir le matin pour se lever, s’habiller et prendre le petit-déjeuner. « Avoir la liberté de ne rien faire, c’est nécessaire, mais avec une certaine structure, prévient la Dre Johanne Lévesque, neuropsychologue. C’est-à-dire qu’on mange quand même trois fois par jour et qu’il y a une heure de lever et de coucher. La structure peut être décalée, mais on ne veut pas que la routine soit contraignante. Pour les enfants plus anxieux, ils ont besoin d’avoir un cadre pour bien fonctionner, il est préférable, pour eux, de conserver une certaine routine qui va les rassurer. »

Hier, justement, j’ai déposé deux articles qui parlaient de l’importance d’une part de nos traditions et d’autre part, de la pertinence d’arrêter, de temps en temps, le rythme fou de la plupart de nos vies… Je crois que la période des Fêtes peut être un excellent moment pour ça.  Dans l’article de La Presse+, paru le 18 décembre 2016, « Chercher un son dans le bruit« , Mylène Moisan cite Serge Bouchard: « On a perdu la recette du ragoût de boulettes. ».  Tellement vrai… comment savoir où on s’en va si on ne sait pas d’où on vient…?  Depuis quelques années, ma sœur a pris la relève et vendredi, elle nous recevra toute la gang – une chance qu’on l’a Image associée.   Au menu? Tourtières, ragoût de boulettes et le reste…  C’est bon tout ce qu’elle prépare avec les siens… c’est bon au goût, c’est aussi très bon pour le cœur…

Chez nous, on se voit deux fois par année, tous ensemble. Comme dans beaucoup de familles, à part ces deux occasions créées de toute pièce, on se voit peu et quand on est ensemble, certaines conversations tournent vite à vide… Qu’à cela ne tienne, on chante, on joue…  Isabelle Audet, La Presse+ en proposait quelques uns le 17 décembre dernier:

Le jeu que je préfère est une variante du jeu de bingo.  Si, par exemple, nous sommes 20 personnes, sur une feuille, je trace un tableau de 20 carrés.  Je trouve LA réalisation de chaque personne depuis notre dernière rencontre familiale et je l’inscris au « je » dans un carré – « J’ai réussi mon examen de consultante en lactation. »  Lors de la réception, je remets une feuille à chaque participant; celui-ci rencontre la personne qu’il croit avoir réalisé cet exploit; dans l’affirmative, cette personne appose ses initiales dans « son » carré.  Il y a un cadeau pour les trois premiers finissants.  Ensuite, on s’assoit et chacun nous raconte son exploit… je trouve toujours ces moments très riches et très enrichissants. D’une part, trouver LA réalisation de chacun.  D’autre part, le fait que chacun s’exprime devant « son » clan et que « son » clan l’écoute…

De plus en plus de scientifiques parlent de l’importance de décrocher, de mettre notre cerveau à « off » – Nancy Colier a écrit « The Power of off« .  Josée Blanchette, Le Devoir, 16 décembre 2016 nous parle du hygge dans son article « Le clou de Noël – le hygge (hou-ga danois)« .

Puis, le manifeste du hygge va comme suit : ambiance (baisser la lumière), présence (couper le wi-fi), plaisir (sortir les biscottis), égalité (nous au lieu de je), gratitude (on est donc bien chanceux), harmonie (aucune compétition), confort (en pieds de bas), trêve (pause des débats d’ego), être ensemble (le top, c’est quatre personnes), refuge (notre tribu, paix et sécurité).

Je pense bien avoir de la suite dans les idées… En décembre 2015, je vous souhaitais de grandes périodes de « cocooning » et à l’occasion de la semaine de relâche 2016, je vous souhaitais de la farniente

En cette fin d’année 2016,  

je souhaite à chacun de vous des moments nourrissants pour le cœur,

des moments de farniente/hygge/cocooning

ponctués de pannes de réseaux cellulaires, internet et tout ce qui s’y apparente

afin qu’il y ait le moins d’intermédiaire possible

entre votre cœur et le cœur de ceux et celles qui comptent pour vous.  

Louise

 

 

« Appeler des renforts… »

L’histoire horriblement triste du papa qui a oublié son tout-petit dans son auto, la semaine dernière, continue d’alimenter les débats.  Hier, j’ai partagé avec vous le texte de Pierre McSween, « Ça peut arriver à n’importe qui« :

(…) Il n’y avait pas de mauvaise intention, c’est une distraction avec de lourdes conséquences, mais il n’y a pas d’intention de faire mal à son enfant. C’est un lourd fardeau à porter toute sa vie. (…)

Ce matin, d’autres opinions journalistiques dont celle de Patrick Lagacé, La Presse+, « Comment peut-on oublier son enfant dans l’auto« 

(…) Cette nanoseconde où le père a fait 1 + 1, ce moment où il a compris qu’il n’avait pas déposé son enfant à la garderie mais qu’il l’avait oublié dans son siège d’auto, toute la journée, sur la banquette arrière…

En plein été.

Dans cette chaleur.

Cette nanoseconde a dû perforer son espace-temps. Tout le fil de sa journée a dû s’y engouffrer, ainsi que l’essentiel de sa vie, comme l’eau s’échappe d’une piscine trouée. (…)

Dans la troisième partie de cet article, Patrick Lagacé a eu l’idée de chercher « le pourquoi du comment »…

(…) Comment ça survient, un oubli ?

Dans son enquête, le journaliste Weingarten citait David Diamond, de la University of South Florida, spécialiste de la mémoire. Pour le Washington Post, le professeur Diamond s’est lancé dans une explication des mécanismes de la mémoire en décortiquant les parties du cerveau qui la gouvernent : cortex préfrontal, hippocampe, ganglions de la base…

Les ganglions de la base sont un peu notre pilote automatique, ce qui fait qu’on conduit machinalement vers chez soi, sans toutefois pouvoir se souvenir de ce qu’on a vu en chemin. Ils nous permettent de penser à autre chose, en roulant vers notre bungalow de Laval ou de L’Ancienne-Lorette…

Et dans ces drames d’enfants oubliés dans des voitures, et qui y meurent, notait David Diamond, il y a toujours chez les parents une combinaison de stress, de manque de sommeil et de changement de routine qui permet aux ganglions de la base de prendre le dessus sur l’esprit conscient, où le pilote automatique te fait oublier que ton enfant dort dans le siège de bébé…

« Et l’esprit conscient est trop affaibli pour résister. Les circuits de la mémoire de l’hippocampe sont réécrits, comme avec un logiciel. Et à moins que ces circuits ne soient réinitialisés – par exemple si l’enfant se met à pleurer –, ils peuvent disparaître. »

Et c’est ainsi qu’un oubli survient, quand les ganglions de la base pèsent trop fort sur l’hippocampe, si je puis dire.

Et c’est ainsi que des parents aimants oublient de déposer leur enfant à la garderie, les laissant cuire à mort dans l’habitacle surchauffé de leur char.

En lisant les mots du professeur Diamond, j’ai pensé à ces gens qui disent que quand on aime son enfant, on ne l’oublie pas dans une auto… (…)

Bref, l’amour n’a rien à voir dans l’oubli, même l’oubli qui tue. (…)

Nous menons des vies de fou, il faut le reconnaître.  Et il semble, parfois, que plus on en fait, plus on veut en faire, plus on veut que tout soit parfait… et aussi, parfois, on croit pouvoir tout faire, tout de suite, tout parfait… Est-ce humainement réalisable…? Probablement encore moins quand des enfants font partie de nos vies… car ce qu’un parent vit rejaillit sur toutes les personnes qui partagent la vie de ce parent, particulièrement sur un enfant.  Nos enfants ne sont pas des adultes en miniature – ils sont des enfants justement parce qu’ils sont en voie de devenir des adultes.  Leur développement n’est pas complété, ils n’ont pas pleine maîtrise sur leur environnement, ils ne peuvent analyser et comprendre comme des adultes, ils sont dépendants des adultes qui en prennent soin.  Tout cela les rend plus vulnérables, plus sensibles, plus inquiets, plus anxieux, plus….  Le stress vécu par un parent prend alors une toute autre couleur et, ajouté au manque de sommeil et au changement de routine, il y a là un mélange potentiellement explosif.

Dans La Presse+, il y avait aussi l’article de Pierre-André Normandin, « Autopsie d’une opération à haut risque » à propos du terrible accident sur la 40, le 9 août dernier:

(…) L’intense brasier survenu le 9 août sur l’autoroute 40 aurait pu se propager dangereusement, n’eussent été les réflexes du premier officier du Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) dépêché sur place. Dès son arrivée, celui-ci a eu la présence d’esprit d’appeler des renforts afin de sécuriser la tour voisine qui risquait de s’embraser. « C’est ce qui a fait la différence, sa promptitude à demander une autre intervention », dit aujourd’hui le directeur adjoint du SIM, Sylvain L’Hostie. (…)

« (…) celui-ci a eu la présence d’esprit d’appeler des renforts (…) »

Ça prend un village pour avoir un enfant… est-ce que moi, comme parent, je reconnais avoir une vie… « pas mal pleine »? Est-ce que moi, comme parent, je reconnais mes ressentis, mes émotions, mes forces et mes limites, ma fatigue…?  Et moi, comme parent, à défaut d’accepter ces faits… « tout simplement », suis-je capable de demander de l’aide… »tout simplement »?  Je crois que chaque famille peut trouver de l’aide, avec un peu d’imagination… oui, la voisine adolescente est jeune pour rester seule avec les enfants sauf que si un parent est présent, ça peut faire l’affaire pour donner un coup de main.  Et en plus, ce parent peut évaluer ses compétences de gardienne…  La plupart des villes font la liste de leurs ressources et de leurs organismes: groupe d’entraide à l’allaitement, répit-dépannage, halte-garderie, etc. Pour ma part, il y a déjà un quart de siècle, c’est mon conjoint qui a eu l’idée de frapper à la porte de Micheline, une voisine étant mon aînée de 10 ans et ayant des adolescents à ce moment-là… elle était enchantée de venir prendre la relève quelques heures, le temps que je sorte m’aérer… Pour moi, Micheline est, encore aujourd’hui, une « grande sœur » et notre famille est privilégiée de l’avoir eue au fil de la vie…

Maman, papa, oui, il y a de bons moments avec nos enfants… il y a aussi des moments plus difficiles, plus exigeants…  Pour prendre soin d’un enfant, il faut d’abord prendre soin de soi…  Isabelle Filliozat utilise une image intéressante: si vous prenez l’avion avec un enfant et qu’il y a dépressurisation dans la cabine, il vous sera toujours conseillé de mettre votre masque à oxygène avant de mettre le masque à l’enfant qui vous accompagne…  Maman, papa, prenez bien soin de vous…

En terminant, je vous suggère une lecture, « Il n’y a pas de parent parfait – l’histoire de nos enfants commence par la nôtre », Isabelle Filliozat, Poche Marabout, 2008.  Un livre qui fait du bien à plusieurs parents qui le lisent.  🙂

 

 

 

 

 

Nos enfants, des bateaux…

Un soir, la semaine dernière, j’étais au resto.  À côté de nous, une tablée : des parents, des adultes, un bambin et une bébé fille âgée d’environ 3 mois, habillée de tulle et de rubans… elle doit mettre ces vêtements-là seulement quand il y a une grande sortie 🙂  Pour quelques instants, je me suis installée dans ses souliers, dans sa tête, dans son cœur.  Il y avait du bruit, vraiment beaucoup de bruit et des bruits de toutes sortes.  Il y avait de la lumière blanche très crue.  Soudainement, on lui a fait vivre l’expérience du « body surfing » comme dans les concerts rock et je ne crois pas qu’on avait pris le temps de l’avertir de ce qui allait se passer.  Elle a atterri dans les bras d’une femme et dans le mouvement qui la portait de sa maman vers cette femme, son corps était en extension, raide, arqué vers l’arrière, sa tête cherchait à se relever vers l’avant et ses yeux étaient tout grands ouverts, sa bouche formait un rictus de presque pleur… elle n’avait pas l’air d’apprécier l’expérience.  La femme en question l’a prise, elle semblait très heureuse de coller ce bébé contre elle… et bébé ne semblait pas apprécier l’expérience malgré les nombreux changements de position.  Ça n’a pas été long que la petite s’est mise à pleurer… la dame s’est levée pour la promener…  La dame semblait en extase, cherchant à blottir bébé contre elle et bébé pleurait en cherchant à se décoller d’elle… Dire que j’ai déjà été l’adulte qui « se payait la traite » en prenant le bébé d’une autre femme… mea culpa, mea maxima culpa 🙂

En rétrospective, je me demande si c’était la place d’un bébé, en soirée, dans ce resto, à ce moment-là d’affluence, de bruits, de lumière crue…  Bien sûr, maman a le goût de participer aux activités de la famille, d’aller au resto, elle peut même avoir besoin d’être avec ses proches.  Elle veut aussi que son bébé fasse partie de la vie et de la famille.  Ça revient alors à dire que maman et papa se retrouvent « pris » à prendre une décision pour s’adapter à la vie de leur « village », à un moment de leur vie où ils ont besoin, plus que jamais, d’être entourés des leurs, avec beaucoup d’amour.  Et si maman et son bébé vivaient, avec papa, dans un « village » qui les soutiendrait, les épaulerait, maman dans son nouveau rôle très exigeant des premiers mois auprès de bébé, papa dans son nouveau rôle très exigeant de protection de la dyade maman-bébé? Un « village » qui s’adapterait aux besoins de la nouvelle famille et non l’inverse…?

Fermons les yeux quelques instants.  On rejoue la scène du resto de façon différente.  Cette fois, bébé maman papa vivent dans un « village » qui s’adapte à eux, un « village » qui favorise le développement harmonieux d’un bébé à travers des « lunettes attachement ».  Dans ce « village », on comprend qu’un bébé qui reste près de sa maman et de son papa durant les premiers mois de vie, n’est pas un « bébé gâté » ni un « bébé à bras » mais un bébé qui découvre l’inconnu avec du connu, maman puis papa.  Le « village » se réunit à un moment et dans un endroit qui convient aux plus petits et à leurs parents. Dans ce « village », bébé est passé à d’autres bras si c’est bénéfique pour lui…  et la décision revient à maman et papa car ce sont eux qui connaissent le mieux leur bébé. Si leur « p’tite voix » en dedans, leur voix du cœur, leur « voix attachement », leur dit que bébé doit rester près de maman papa, alors, non, bébé ne va pas dans d’autres bras.  Point final et aucun jugement de la part de qui que ce soit de leur « village ».  Si maman papa croient que bébé peut aller voir tel adulte, ils le feront à la vitesse de leur bébé :  l’adulte s’assoit près de maman-bébé, maman présente la personne à bébé et doucement, en s’adaptant à son rythme, bébé passe à l’autre personne.  Bébé reste près de sa sécurité, sa maman son papa, dans leur champ de vision et d’audition.  Si bébé exprime son désaccord de quelque façon que ce soit, maman n’est pas loin et reprend bébé rapidement. En anglais, il y a un beau mot, « advocate », qui signifie « a person who speaks or writes in support or defense of a person; a person who pleads for or in behalf of another; intercessor; a person who pleads the cause of another…* ». Ce « village » reconnait que maman papa sont les « advocate » de leur bébé…

Dr Brazelton, pédiatre américain, comparait les enfants à des bateaux…  Un bateau, avant de voguer sur les mers du monde, doit d’abord être assuré d’avoir SA place dans un port.  Quand il en est certain, plus que certain, alors il peut, en toute quiétude, naviguer et découvrir le vaste monde car il sait qu’il peut toujours revenir au port et il aura toujours SA place à lui.  N’est-ce pas ce qu’on veut pour chacun de nos enfants…?

*Tiré de http://www.dictionary.com/browse/advocate, page consultée 2016-04-30

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Stress parental et enfant

Le mardi 26 janvier 2016, Sonia Lupien Ph. D. a donné une entrevue d’une dizaine de minutes à Radio-Canada, « Les effets du stress parental sur les enfants« 

Éducation des enfants : gare à l’attention divisée  

Menée sur des rats, l’étude de chercheurs californiens nécessite des recherches plus approfondies chez les humains, mais démontre clairement l’effet dévastateur d’une activité mentale partagée.

« La Dre Baram m’a présenté une vidéo spectaculaire, raconte Sonia Lupien. Quand elle a étudié le comportement de ces petits rats à l’adolescence, elle a observé que les petits des mères qui avaient un comportement fragmenté affichaient moins de comportements liés aux jeux et au plaisir en général. Ce ne sont pas des petits qui ont vraiment le goût de jouer. Ce dont elle se rend compte, c’est que ce qui stresse le bébé, c’est la fragmentation du comportement maternel, et non le comportement lui-même. »

Sonia Lupien Ph. D. brosse un tableau des études des effets du stress parental sur l’enfant.  Les études ont été effectuées sur des rats et il est question des mères car, chez les mammifères, ce sont les mamans qui s’occupent des bébés et ce, pour toutes les espèces sauf une: le papa hamster californien reste s’occuper de son bébé.

En 1950, on se demandait si un nouveau-né rat répondait au stress? Il n’avait aucune réaction… en autant qu’il restait avec maman, maman servant de « tampon protecteur ».  Les études se sont poursuivies: si les bébés rats sont séparés sur une courte période de temps, la maman a des comportements de retrouvailles très accentués (léchage du bébé, entre autres).  Par contre, si la séparation est plus longue, maman lèche moins son bébé lors des retrouvailles.

En 1990, on a poursuivi les expériences avec mamans et bébés rats.  Il a été découvert qu’une maman qui avait des comportements de faible toilettage avait un bébé plus réactif au stress.  On a donc croisé les 2 groupes: d’une part, maman faible toilettage avec bébé moins réactif au stress (né d’une maman fort toilettage) et d’autre part, maman fort toilettage avec bébé plus réactif au stress (né d’une maman faible toilettage).  Le résultat: le bébé né d’une maman-faible toilettage jumelé à une maman-fort toilettage grandit en devenant un rat moins réactif au stress.  Donc… le stress du bébé ne serait pas génétique mais relié au comportement de toilettage de la maman avec qui il vit.

 Maintenant, chez les humains… Dernièrement, Dre Lupien a rencontré Tallie Z. Baram M.D. Ph.D. et Curt A. Sandman, University of California, Irvine.  Des observations d’une maman avec son bébé âgé d’un an ont eu lieu: on les observe jouer, vivre ensemble, tout simplement.  Il a été démontré que si maman qui avait un comportement fragmenté, son bébé était stressé.  L’intrusion des technologies, par exemple, peut amener un comportement fragmenté sans pour autant être la seule cause…  Dans le même sens, une maman qui utilise son cellulaire n’aura pas nécessairement un comportement fragmenté.  C’est une indication… nos enfants ont besoin de stabilité… au moins 30 secondes…

Pour en savoir plus…

 

Allergies, version 2015

Ce matin, je prends mon café avec la revue L’Actualité, février 2016.  Un titre attire mon attention: « Les allergies, ça se prévient » par Dominique Forget.

Pour prévenir les allergies alimentaires, la meilleure stratégie consiste à exposer les poupons aux aliments allergènes – comme les arachides, les oeufs ou le soya – dès l’âge de quatre à six mois, conseillent les pédiatres Elissa Abrams et Allan Backer, de l’Université du Manitoba.  Une fois les nouveaux aliments introduits, les enfants doivent continuer à y être exposés régulièrement pour bâtir leur tolérance.

L’article dont il est question, « Food introduction and allergy prevention in infants » a été écrit par deux médecins du Manitoba, Elissa M. Abrams MD et Allan B. Becker MD et publié dans la revue Canadian Medical Journal Association, 17 novembre 2015.

Key Points

  • Recent evidence has shown that delayed introduction of allergenic foods does not prevent allergic disease.
  • Emerging evidence from randomized controlled trials suggests that early introdution of allergenic foods, specifically peanut, is protective against the development of food allergy.
  • Although exclusive breastfeeding for six months remains recommended for its many health benefits to both infant and mother, there is no evidence that exclusive breastfeeding or maternal dietary elimination helps prevent food allergy in infants.
  • With few exceptions, allergenic foods may be intoduced into children’s diets between the ages of four and six months; one introduced, regular exposure to the food is important for maintaining tolerance.

 

J’ai choisi de mettre le 3e paragraphe en caractères gras et je vous offre ma traduction de ce 3e paragraphe: L’allaitement maternel exclusif pour six mois est recommandé pour les nombreux effets positifs sur la santé de la la mère et de l’enfant.  Il n’y a pas d’évidence que l’allaitement exclusif ou l’élimination de certains aliments dans l’alimentation de la mère aideraient à prévenir les allergies alimentaires chez l’enfant.  J’ouvre une parenthèse: une recommandation similaire était donnée dans l’article « Prévention des allergies chez l’enfant – que faire quand la famille est atopique » dans la revue Le médecin du Québec, 29 janvier 2015, par Chantal Lemire.

Revenons à l’article paru dans le CMAJ.  Les auteurs mentionnent aussi:

Box 1: Evidence used in this review

We used Canadian and American national guidelines to inform this review, in addition to published systematic reviews that were know to us.  We identified additional articles through MEDLINE literature searches using the search terms « food allergy » and « allergy prevention » from 1990 to present. In addition, we reviewed conference abstracts and reference lists from seminal articles. We restricted our results to English-language articles.  Where possible, we selected the most recent articles and the articles with the most robust level of evidence (such as randomized controlled trials and meta-analyses).  We reviewed more than 100 citations, of whiche 38 are included in this review.

Box 2: Unanswered questions

  • Is early introduction of foods other than peanut also protective against food allergy?
  • Once introduced, what is the frequency and amount of food that needs to be eaten to ensure maintenance of tolerance?
  • Does early introduction provide only short-term protection against food allergy, or is the protection long-lasting?

 

Dans l’article « Early introduction of food to prevent food allergy.  The LEAP Study (Learning Early About Peanut) » la conclusion dit:

There have been no studies with this level of accuracy in low-risk populations investigating the benefit of early populations in which other foods are often allergy-causing, for instance, cow’s milk, whether early intervention may reduce the prevalence of allergy to milk proteins or even other foods.  The guidelines that deal with the time of introduction of foods into the infant’s diet will be reviewed based on this new evidence.

Maintenant…?  Attendez encore un peu pour donner des aliments pouvant causer des allergies à votre bébé et maman, ne réintroduisez pas d’un coup tout ce que vous avez coupé dans votre alimentation…! En même temps, cet article me laisse songeuse…

Tout d’abord, je rencontre très souvent des mamans désespérées des pleurs intenses de leur bébé.  Ces mamans n’ont aucune allergie connue – pas plus que papa, d’ailleurs.  Ces mamans allaitent leur bébé et leur alimentation est la même que durant la période de la grossesse.  Ces mamans coupent plusieurs aliments de leur alimentation car les pleurs intenses de leur bébé les amènent à croire qu’il est allergique à ce qu’elle, maman, peut manger.  C’est possible – tout est possible, je ne m’oppose pas à cela et oui, un bébé qui pleure, ça peut être désespérant et on peut être prête, comme maman, à boire de l’eau et manger… à peu près rien 🙂 pour que bébé pleure moins.  Tout en respectant les familles, leurs choix et leurs décisions, je vous invite à réfléchir avec moi…

  • Bébé est un « voie-lactien » à sa naissance.
  • Le voie-lactien naît avec des compétences, entre autres la compétence de s’attacher à du connu, sa maman.  En même temps, le petit voie-lactien est « inachevé » à la naissance et son système digestif, comme bien d’autres parties de son corps, est immature.
  • Dans la première année de vie, il y a tellement de changements à tous les niveaux dans le corps et dans la tête du voie-lactien que ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain…  Hier, vous l’allaitiez, dans le salon, avec les bruits de la famille et ça allait.  Aujourd’hui, rien à faire, il veut tout voir, tout entendre et prendre le sein, ça semble sa dernière préoccupation.
  • Je reviens au livre « The Wonder WeeksLes semaines miracle » et à l’article qui en parlait: est-ce que le comportement du voie-lactien aujourd’hui ne serait pas « normal » à ce moment précis de sa vie actuelle…?
  • Et maman… elle a traversé la grossesse, l’accouchement. Elle a peut-être, malheureusement, des plaies à guérir. Elle démarre l’allaitement.  Son voie-lactien la réclame 24 heures par jour, 7 jours par semaine.  C’est très exigeant et en plus, elle ne peut même pas donner sa démission… 🙂  Elle a besoin d’énergie.  Est-ce que l’alimentation restreinte qu’elle prend lui apporte tous les nutriments dont elle a besoin…?
  • Les pleurs du voie-lactien…
    • Si cette maman avait le soutien/le support d’un adulte en qui elle a confiance pendant la période des pleurs intenses de son voie-lactien, est-ce que sa décision de couper des aliments dans son alimentation serait différente…?
    • Comment maman et papa interprètent les pleurs de leur voie-lactien…? Beaucoup de parents se donnent le mandat absolu de trouver LA solution aux pleurs de leur voie-lactien…  Est-ce vraiment réaliste…?
    • Est-ce qu’un voie-lactien en bonne santé ne pourrait pas pleurer pour exprimer de la fatigue, de l’épuisement face aux stimulations nombreuses de sa journée: la famille a rendu visite à des amis, des visiteurs sont venus à la maison, papa reprend le travail après un congé … Mettons nous un instant des « les souliers » du voie-lactien: chaque lieu, chaque personne, chaque déplacement ce sont autant d’odeurs, de voix, de touchers, de sensations différentes qu’il ne peut expliquer… Heureusement, sa maman-son papa restent tout près de lui et toutes ces nouveautés, c’est un « bon stress » pour lui et c’est génial pour la connexion des neurones dans son cerveau – il ne faut surtout pas rester encabanés avec son petit voie-lactien!  En même temps, pour lui, ça peut être fatigant, épuisant, vidant.  À ce propos, je vous invite à lire/relire Science au service des parents – The Science of Parenting.

L’autre point, c’est l’importance de consulter un professionnel de la santé qui se tient à jour… Nous sommes très loin de tout savoir dans plusieurs domaines de la santé et ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain…  Les parents sont très souvent perdus quand ils consultent des professionnels de la santé et qu’ils reçoivent des avis différents…

  • Est-ce que tous les professionnels de la santé qu’ils consultent ont des connaissances basées sur des résultats probants?
  • Est-ce qu’il y a un professionnel de la santé qui agit comme « chef d’orchestre » auprès de la famille….?  Un professionnel de la santé qui reprend, avec maman-papa les conseils reçus, les avis donnés et qui traduit pour maman-papa, dans leur vie de leur famille à eux.

Voilà… 🙂

Et vous, qu’en pensez-vous…? J’attends vos commentaires avec impatience – je vous remercie à l’avance!