« Appeler des renforts… »

L’histoire horriblement triste du papa qui a oublié son tout-petit dans son auto, la semaine dernière, continue d’alimenter les débats.  Hier, j’ai partagé avec vous le texte de Pierre McSween, « Ça peut arriver à n’importe qui« :

(…) Il n’y avait pas de mauvaise intention, c’est une distraction avec de lourdes conséquences, mais il n’y a pas d’intention de faire mal à son enfant. C’est un lourd fardeau à porter toute sa vie. (…)

Ce matin, d’autres opinions journalistiques dont celle de Patrick Lagacé, La Presse+, « Comment peut-on oublier son enfant dans l’auto« 

(…) Cette nanoseconde où le père a fait 1 + 1, ce moment où il a compris qu’il n’avait pas déposé son enfant à la garderie mais qu’il l’avait oublié dans son siège d’auto, toute la journée, sur la banquette arrière…

En plein été.

Dans cette chaleur.

Cette nanoseconde a dû perforer son espace-temps. Tout le fil de sa journée a dû s’y engouffrer, ainsi que l’essentiel de sa vie, comme l’eau s’échappe d’une piscine trouée. (…)

Dans la troisième partie de cet article, Patrick Lagacé a eu l’idée de chercher « le pourquoi du comment »…

(…) Comment ça survient, un oubli ?

Dans son enquête, le journaliste Weingarten citait David Diamond, de la University of South Florida, spécialiste de la mémoire. Pour le Washington Post, le professeur Diamond s’est lancé dans une explication des mécanismes de la mémoire en décortiquant les parties du cerveau qui la gouvernent : cortex préfrontal, hippocampe, ganglions de la base…

Les ganglions de la base sont un peu notre pilote automatique, ce qui fait qu’on conduit machinalement vers chez soi, sans toutefois pouvoir se souvenir de ce qu’on a vu en chemin. Ils nous permettent de penser à autre chose, en roulant vers notre bungalow de Laval ou de L’Ancienne-Lorette…

Et dans ces drames d’enfants oubliés dans des voitures, et qui y meurent, notait David Diamond, il y a toujours chez les parents une combinaison de stress, de manque de sommeil et de changement de routine qui permet aux ganglions de la base de prendre le dessus sur l’esprit conscient, où le pilote automatique te fait oublier que ton enfant dort dans le siège de bébé…

« Et l’esprit conscient est trop affaibli pour résister. Les circuits de la mémoire de l’hippocampe sont réécrits, comme avec un logiciel. Et à moins que ces circuits ne soient réinitialisés – par exemple si l’enfant se met à pleurer –, ils peuvent disparaître. »

Et c’est ainsi qu’un oubli survient, quand les ganglions de la base pèsent trop fort sur l’hippocampe, si je puis dire.

Et c’est ainsi que des parents aimants oublient de déposer leur enfant à la garderie, les laissant cuire à mort dans l’habitacle surchauffé de leur char.

En lisant les mots du professeur Diamond, j’ai pensé à ces gens qui disent que quand on aime son enfant, on ne l’oublie pas dans une auto… (…)

Bref, l’amour n’a rien à voir dans l’oubli, même l’oubli qui tue. (…)

Nous menons des vies de fou, il faut le reconnaître.  Et il semble, parfois, que plus on en fait, plus on veut en faire, plus on veut que tout soit parfait… et aussi, parfois, on croit pouvoir tout faire, tout de suite, tout parfait… Est-ce humainement réalisable…? Probablement encore moins quand des enfants font partie de nos vies… car ce qu’un parent vit rejaillit sur toutes les personnes qui partagent la vie de ce parent, particulièrement sur un enfant.  Nos enfants ne sont pas des adultes en miniature – ils sont des enfants justement parce qu’ils sont en voie de devenir des adultes.  Leur développement n’est pas complété, ils n’ont pas pleine maîtrise sur leur environnement, ils ne peuvent analyser et comprendre comme des adultes, ils sont dépendants des adultes qui en prennent soin.  Tout cela les rend plus vulnérables, plus sensibles, plus inquiets, plus anxieux, plus….  Le stress vécu par un parent prend alors une toute autre couleur et, ajouté au manque de sommeil et au changement de routine, il y a là un mélange potentiellement explosif.

Dans La Presse+, il y avait aussi l’article de Pierre-André Normandin, « Autopsie d’une opération à haut risque » à propos du terrible accident sur la 40, le 9 août dernier:

(…) L’intense brasier survenu le 9 août sur l’autoroute 40 aurait pu se propager dangereusement, n’eussent été les réflexes du premier officier du Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) dépêché sur place. Dès son arrivée, celui-ci a eu la présence d’esprit d’appeler des renforts afin de sécuriser la tour voisine qui risquait de s’embraser. « C’est ce qui a fait la différence, sa promptitude à demander une autre intervention », dit aujourd’hui le directeur adjoint du SIM, Sylvain L’Hostie. (…)

« (…) celui-ci a eu la présence d’esprit d’appeler des renforts (…) »

Ça prend un village pour avoir un enfant… est-ce que moi, comme parent, je reconnais avoir une vie… « pas mal pleine »? Est-ce que moi, comme parent, je reconnais mes ressentis, mes émotions, mes forces et mes limites, ma fatigue…?  Et moi, comme parent, à défaut d’accepter ces faits… « tout simplement », suis-je capable de demander de l’aide… »tout simplement »?  Je crois que chaque famille peut trouver de l’aide, avec un peu d’imagination… oui, la voisine adolescente est jeune pour rester seule avec les enfants sauf que si un parent est présent, ça peut faire l’affaire pour donner un coup de main.  Et en plus, ce parent peut évaluer ses compétences de gardienne…  La plupart des villes font la liste de leurs ressources et de leurs organismes: groupe d’entraide à l’allaitement, répit-dépannage, halte-garderie, etc. Pour ma part, il y a déjà un quart de siècle, c’est mon conjoint qui a eu l’idée de frapper à la porte de Micheline, une voisine étant mon aînée de 10 ans et ayant des adolescents à ce moment-là… elle était enchantée de venir prendre la relève quelques heures, le temps que je sorte m’aérer… Pour moi, Micheline est, encore aujourd’hui, une « grande sœur » et notre famille est privilégiée de l’avoir eue au fil de la vie…

Maman, papa, oui, il y a de bons moments avec nos enfants… il y a aussi des moments plus difficiles, plus exigeants…  Pour prendre soin d’un enfant, il faut d’abord prendre soin de soi…  Isabelle Filliozat utilise une image intéressante: si vous prenez l’avion avec un enfant et qu’il y a dépressurisation dans la cabine, il vous sera toujours conseillé de mettre votre masque à oxygène avant de mettre le masque à l’enfant qui vous accompagne…  Maman, papa, prenez bien soin de vous…

En terminant, je vous suggère une lecture, « Il n’y a pas de parent parfait – l’histoire de nos enfants commence par la nôtre », Isabelle Filliozat, Poche Marabout, 2008.  Un livre qui fait du bien à plusieurs parents qui le lisent.  🙂

 

 

 

 

 

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