Samedi 25 juin, La Presse+, le dossier de Suzanne Colpron, « Mères pas parfaites« : tout un sujet… Jeudi dernier, j’étais chez MAM à Saint-Hubert. On m’avait demandé de parler du sommeil à la « Pause MAM »… pour moi, ça a été un moment de pur bonheur de côtoyer ces mamans et leurs petits.
Parler du sommeil des tout-petits, c’est « simple »… leurs cycles d’éveil et de sommeil s’organisent à mesure que leur cerveau se développe; selon Dr Brazelton, pédiatre américain, un tout-petit dormirait une nuit vers l’âge de… 3 ans. Ça se comprend: à la naissance, le cerveau de nos petits a environ 25% de la taille du cerveau de l’adulte et à 1 an, leur cerveau a environ 75% de la taille du cerveau de l’adulte. Au cours des premières semaines de vie, une « belle nuit » du bébé, c’est 3-4 heures de sommeil… en autant que durant les 20-21 heures qui restent, il prend 10-12 tétées, il mouille plus de 6 couches et il fait des selles. À ce stade, une tétée peut facilement durer 45 minutes… C’est sans compter les tétées groupées de fin de journée et aussi, les périodes d’orages… Sortez vos calculatrices… Je vous entends dire: « Une maman qui allaite, surtout durant les premières semaines, … » Voilà, vous l’avez dit, j’en suis pas mal certaine… « …une maman qui allaite ne fait pas grand chose à part allaiter » même les mamans le disent. Sincèrement, combien de fois l’avez vous entendue, cette phrase-là…? Moi, je peux vous dire que je l’ai entendue souvent. Avoir un nouveau bébé, être la maman de ce nouveau bébé, c’est un « travail » en soi, non…?
Nous visons tous et toutes ce qu’il y a de mieux… et c’est peut-être encore plus vrai quand nos enfants sont au cœur de notre vie. Jeudi, à la « Pause MAM », les mamans disaient « Oui, mais à travers ma fatigue, à travers les tétées et les soins du bébé, il faut que je prépare le souper, que je fasse le lavage, que je… » et aussi « Oui, mais mon bébé, si je ne reste pas à côté, il ne fera pas de sieste »… Une maman avait un peu plus de vécu: elle en était à son 2e bébé. À quelques reprises, elle a exprimé qu’à un moment donné, n’en pouvant plus, elle acceptait des comportements de son ainé qu’initialement elle refusait. C’est comme si ces nouvelles mamans ne s’autorisaient pas à se reposer, à prendre soin d’elles et elles le font quand elles sont poussées au pied du mur… Avec le recul du temps et la sagesse qu’apportent les années ( 🙂 ), je crois que, dans le fond, la vie est très bien faite… Une maman vit une grossesse, un accouchement « une expérience extrême* » (parfois doublé d’une césarienne, soit une chirurgie abdominale) et ensuite, 24 heures par jour et 7 jours par semaine, elle vit avec son bébé qui arrive d’une autre planète, un « Voie-lactien« … Comment peut-elle, logiquement, humainement, faire la vie d’avant bébé avec ce bébé qui impose ce rythme incroyable les premières semaines? Comment peut-elle donner à son bébé de l’attention, de l’amour, des soins si elle est fatiguée, si elle a faim, si elle ne prend pas soin d’elle…? Oui, je crois que la vie est vraiment bien faite dans la mesure où la vie pousse maman à mettre ses besoins humains de repos et d’alimentation appropriée au premier plan…
Dans le cadre de ma pratique, j’invite chaque nouvelle maman à suivre l’horaire de son bébé, « tout simplement »: « Si bébé dort, reposez-vous et s’il tète, prenez une collation avec des protéines, et ce, jour et nuit ». Je leur suggère « tout simplement » de s’alimenter, de se reposer et les mamans qui le font se sentent mieux et profitent mieux de la vie et de leur « voie-lactien », elles se sentent plus solides pour les moments de tempête. C’est vrai…, il y a le souper à préparer, le lavage (et tous les autres « …age », ménage, repassage, époussetage…), les fleurs à planter, les photos à classer et les nombreux items sur les multiples listes que la plupart des femmes font quand elles arrêtent de travailler… « à l’extérieur », listes que bien souvent elles n’ouvrent même pas… et dont elles parlent avec un peu-beaucoup de culpabilité pendant leur « congé de maternité » (toute une expression, celle-là)… Oui, et ce tout-petit que maman a « tricoté », qu’elle a mis au monde, qu’elle allaite… ne pourrait-il pas être la « bonne excuse » de maman pour vivre au rythme de ce petit les premières semaines? Est-ce que maman-papa, en démarrage de famille, ne pourraient pas confier les « …ages » à l’entourage, à leur village…?
Isabelle Filliozat dans « Il n’y a pas de parent parfait – L’histoire de nos enfants commence par la nôtre », dit entre autres, p. 45:
Un enfant n’a pas besoin de parents parfaits, il a besoin de parents suffisamment bons, c’est-à-dire de parents qui, bien entendu, tentent de faire pour le mieux pour s’occuper de lui, qui le protègent et le nourrissent, qui évitent de le blesser, de le frustrer excessivement, mais qui se savent capables d’erreurs et se montrent aptes à les reconnaître. Un enfant veut rencontrer non un rôle en face de lui, mais une personne, une vraie personne, avec ses émotions et ses propres besoins, ses pensées et ses valeurs, ses compétences et ses limites.
Tellement vrai… Nous sommes des êtres humains. La femme qui porte un enfant, le met au monde, l’allaite, fait un don de soi incommensurable… Ce n’est pas tout: bébé, en sortant du ventre de sa maman, a besoin d’elle comme point d’ancrage, de sécurité, dans ce monde si nouveau pour lui et il en a besoin, de sa maman à lui, 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Bébé s’attache d’abord à sa maman à lui puis, au fil des jours, il s’attache à son papa à lui et bébé étire ses liens d’attachement aux autres personnes qui le côtoient. Au début de sa vie, bébé a besoin de sa maman à lui… dans un monde idéal, ce n’est pas interchangeable. Oui, papa est là – durant les premières semaines, son rôle est davantage de nourrir maman (d’amour et d’aliments santé) afin qu’elle puisse « nourrir » bébé (le lait maternel est un aliment d’amour et de santé 🙂 ). L’idéal pour ce petit « voie-lactien », c’est re-trouver sa maman à lui, retrouver en dehors de son ventre celle qui a accepté de le loger en elle et qui lui a fourni les matériaux nécessaires à une première partie de sa construction. Cette maman a fait tout un travail depuis la conception de son tout-petit et maintenant, en l’allaitant, en restant avec lui, en vivant les hauts et les bas de sa courte vie, elle poursuit la construction d’un être humain, d’un homme d’une femme de demain, rien de moins… Autant c’est grand, autant c’est exigeant pour sa maman, son papa.
La vie, c’est un grand cercle. Maman donne beaucoup d’elle-même en mettant au monde un enfant. C’est dans l’ordre naturel des choses que maman reçoive, ensuite…Chaque maman mérite que nous lui rendions hommage… Et selon moi, rendre hommage à une maman, c’est, entre autres, faire tout ce qu’on peut pour qu’elle puisse suivre l’horaire de son tout-petit les premières semaines, pour que « son corps sa tête son cœur »puissent reprendre leur souffle. Rendre hommage à une maman, c’est aussi s’asseoir près d’elle et être à son écoute, se préoccuper vraiment et sincèrement du « comment elle se sent en dedans ». Rendre hommage à une maman, c’est aussi changer notre vocabulaire. Mon conjoint l’avait compris d’instinct: nous faisions des rénovations à la maison et j’étais enceinte de notre 3e bébé. Mon ventre plein de vie limitait mes mouvements. J’ai alors dit à Luc que ça m’enrageait de ne rien faire… ce à quoi il a répondu que j’étais occupée à faire un bébé 🙂 . Lui, il avait compris…
Finalement, maman doit apprendre à demander et aussi, accepter de recevoir: quand son village lui rend hommage, elle devrait accepter ces hommages, elle devrait accepter d’être entourée, elle devrait accepter de ralentir son pas pour suivre le rythme de son tout-petit les premières semaines. Saviez-vous qu’il existe des sociétés où les femmes acceptent d’être dans un cocon avec leur bébé les premières semaines et d’être prises en charge par les femmes de leur clan? Ces nouvelles mamans vivent très peu de symptômes d’état dépressif. Intéressant… À bien y penser, tous les « …age » qui doivent être faits aujourd’hui, devront être re-faits demain et après demain. Et je suis à peu près certaine qu’il est toujours possible de trouver quelqu’un pour s’en occuper – bien sûr, ce ne sera jamais fait comme si c’était maman qui le faisait… et puis…? Est-ce si grave que ça que les serviettes lavées soient pliées autrement, que les assiettes propres soient à gauche, que le yogourt acheté soit un peu plus riche en matières grasses? Papa a aidé l’aîné de 3 ans à s’habiller… sauf que le choix des couleurs laisse à désirer, selon maman… Ce n’est pas parfait… par contre, l’aîné est habillé et il a l’air tellement heureux avec son papa à lui… Est-ce si grave que ça que ça ne soit pas parfait…? Peut-être pas tant que ça…si ça permet à maman de prendre le temps de vivre, de sentir son tout-petit s’endormir, blotti contre elle, de capter son premier sourire, de plonger ses yeux dans les yeux de son tout-petit quelques secondes d’éternité… de goûter « parfaitement » et « tout simplement » à ces moments magiques qui eux, ne passent qu’une fois dans la vie…
Suzanne Colpron termine son article en disant « On t’adore, maman, mais tu ne peux pas être parfaite, m’ont dit mes enfants. La perfection, ça n’existe pas. Être une mère, c’est compliqué. » Oui, c’est vrai… et je souhaite, à toutes les mamans, une vie…parfaite de moments magiques et imparfaite de tous les « …age » 🙂
* Isabelle Filliozat, « Il n’y a pas de parent parfait », p. 184